IRAK - Après la guerre du Golfe

IRAK - Après la guerre du Golfe
IRAK - Après la guerre du Golfe

Irak: après la guerre du Golfe

Après l’invasion du Koweït en l’espace de quelques heures par les troupes irakiennes le 2 août 1990, le Conseil de sécurité de l’O.N.U. adopta, le 29 novembre 1990, la résolution 678, qui permettait aux États membres d’user de tous les moyens nécessaires pour libérer le petit émirat pétrolier. Les États-Unis, appuyés par une coalition d’une trentaine de pays, lancèrent le 1er janvier 1991 une offensive militaire de grande envergure, l’opération Tempête du désert, pour faire respecter le droit international. Cette guerre a eu des répercussions considérables sur la scène régionale, dans le monde arabe et en Irak même. Ce dernier reste soumis à un régime d’embargo très sévère, qui l’empêche d’exporter sa principale richesse, le pétrole, et d’importer les produits alimentaires nécessaires au bien-être de sa population; en outre, le pays doit satisfaire à de lourdes exigences, comme l’obligation de réparer les dommages causés par ses forces armées, la destruction de ses armes non conventionnelles et accepter une surveillance internationale permanente des mesures de désarmement. Cependant, malgré la soumission du régime irakien aux injonctions des commissions de contrôle de l’O.N.U. en matière d’armement, le Conseil de sécurité, sous la pression des États-Unis, refuse toujours de lever l’embargo. Il en résulte, sur le plan humanitaire, une situation difficile, dont la première victime est la population irakienne. Quant au régime de Saddam Hussein, il a survécu grâce à des subterfuges, mais il doit faire face à de nombreux problèmes: pressions internationales, soulèvements chiites et kurdes, dissensions politiques internes.

Les conséquences de l’opération Tempête du désert

Le désarmement de l’Irak

Les opérations militaires prirent fin officiellement avec la conclusion d’un cessez-le-feu le 3 mars 1991 et avec la résolution 687 du Conseil de sécurité du 3 avril 1991 prenant acte de l’arrêt des hostilités. En outre, l’O.N.U. a fait obligation à l’Irak de détruire ses armes non conventionnelles conformément aux paragraphes 7 à 14 de la même résolution. Une commission d’inspection a été constituée afin de superviser l’enlèvement, la neutralisation et la destruction des armes chimiques, biologiques et balistiques de portée supérieure à 150 kilomètres détenues par l’Irak. Cette commission est assistée par l’Agence internationale de l’énergie atomique en ce qui concerne les armements nucléaires. En réalité, l’Irak, après avoir refusé de se soumettre aux exigences de la supervision, a été amené, dans l’espoir de faire lever l’embargo, à ouvrir en 1993 ses installations à la commission de désarmement, qui a procédé à la destruction de nombreux matériels militaires et à l’installation de caméras de surveillance dans des sites à double capacité, civile et militaire. Cependant, la commission d’inspection continue d’accuser l’Irak de ne pas se conformer entièrement aux obligations contenues dans ladite résolution, accusation qui se trouvera confirmée lors de la défection des deux gendres de Saddam Hussein en août 1995.

La destruction de l’infrastructure

S’il n’a fallu que quarante-cinq jours pour libérer le Koweït, les conséquences furent lourdes pour l’Irak. Lors de la “réunion de la dernière chance” tenue le 9 janvier 1991 à Genève avec le ministre irakien des Affaires étrangères Tarek Aziz, le secrétaire d’État américain James Baker menaça l’Irak de ravages tels que le pays serait rejeté dans l’ère préindustrielle s’il refusait de retirer ses troupes du Koweït. Cette menace fut mise à exécution et aboutit à la destruction de nombreux sites industriels militaires et, surtout, civils.

L’Irak a perdu la majorité de son infrastructure, construite à grands frais et qui faisait la fierté du régime baassiste. Ainsi, 92 p. 100 de la capacité installée des centrales électriques ont été détruits, de même que toutes les raffineries de pétrole, à l’exception d’une seule dans le nord du pays, la quasi-totalité des complexes pétrochimiques, des centres de télécommunications, dont cent trente-cinq réseaux téléphoniques, plus d’une centaine de ponts – rendant le passage du Tigre et de l’Euphrate difficile, spécialement à Bagdad –, de même que les réseaux de chemin de fer et les stations de radio et de télévision. Parmi les autres cibles de l’aviation américaine figurent des usines de textiles, d’aluminium, de câbles électriques et des cimenteries. L’économie irakienne fut presque entièrement ruinée. Cependant, au prix de grands efforts, la plupart des raffineries ont été remises en état de marche en l’espace de trois mois, et la presque totalité des centrales électriques en moins d’un an, de même qu’a été réparée la majorité des ponts et des bâtiments officiels de la capitale. Toutefois, il s’agit de réparations de fortune, car il existe une grande pénurie de matières premières, de pièces de rechange et de devises étrangères. En outre, les services publics restent largement déficients, et l’embargo empêche toute reprise économique véritable.

La démarcation des frontières

Après avoir officiellement reconnu la souveraineté du Koweït, le régime irakien a dû accepter la démarcation des frontières telle qu’elle a été établie par une commission de l’O.N.U. et telle qu’elle a été confirmée en 1993 par la résolution 833 du Conseil de sécurité. La Commission a amputé l’Irak d’une partie de la base navale d’Oum Kasr, unique débouché maritime du pays, et du riche champ pétrolifère de Rumailah, situé à la frontière irako-koweïtienne. En outre, une zone démilitarisée a été créée entre les deux États. Quant à la frontière orientale, au large des côtes, elle s’arrête au nord des îles koweïtiennes de Bubiyan et de Warbah.

Maintien des sanctions contre l’Irak

Imposé par l’O.N.U. en vertu de la résolution 661 du 6 août 1990 pour contraindre l’Irak à évacuer le Koweït, l’embargo est maintenu après la défaite de Saddam Hussein. Cet embargo est total: il concerne toutes les relations commerciales, les liaisons aériennes et navales, ainsi que les avoirs irakiens à l’étranger, qui sont gelés. Les rares exceptions prévues portent sur l’aide humanitaire, dont la distribution doit être confiée aux organisations humanitaires internationales. En outre, l’importation de ces biens reste soumise à l’approbation et à la supervision très sévère du comité des sanctions. Devant le refus de l’Irak de souscrire aux conditions imposées par l’O.N.U., le Conseil de sécurité, dans l’unique souci de soulager la population civile, a adopté des mesures d’assouplissement de l’embargo (résolutions 706 et 712 de 1991) qui permettent à l’Irak d’exporter, de manière limitée, des produits pétroliers, dont les revenus doivent être consacrés à financer l’importation de biens alimentaires. Ces mesures se sont heurtées à un nouveau refus de Bagdad, qui les considère comme une atteinte à sa souveraineté.

L’embargo frappe surtout la classe moyenne et les plus démunis, les protégés du régime échappant aux rigueurs de la crise. On assiste à une envolée des prix et au développement du marché noir malgré la répression féroce menée par les pouvoirs publics, alors que les salaires sont gelés: le traitement moyen d’un fonctionnaire du gouvernement s’élève à 600 dinars par mois, et le kilo de viande coûte 400 dinars, celui de poulet 500. En outre, le dinar a connu une forte dépréciation, passant de 3,2 dinars pour un dollar en mai 1993 à 700 dinars pour un dollar en 1995. En outre, le gouvernement a réduit les rations alimentaires qui étaient distribuées à des prix modiques à la population. Selon l’U.N.I.C.E.F., 3,6 millions de personnes souffrent d’un déficit calorique de plus de 50 p. 100. Seule l’essence est à bon marché.

Face à cette situation dramatique, le Conseil de sécurité avait autorisé, par sa résolution 778 du 2 octobre 1992, le déblocage d’une partie des avoirs irakiens à l’étranger en vue de l’achat de produits de première nécessité. Cependant, la somme débloquée n’a pas dépassé les 50 millions de dollars.

L’embargo touche également le secteur de la santé. L’importation de médicaments est soumise à des conditions draconiennes. Ainsi, aucun produit contenant du nitrate ne doit franchir les frontières irakiennes, car il pourrait servir à la fabrication d’armes chimiques. Or le nitrate est l’un des composants des produits anesthésiques. La moitié des lits que comptent les hôpitaux demeurent inoccupés faute de médicaments.

La route Amman-Bagdad est pratiquement la seule artère qui relie l’Irak au monde extérieur, et par elle transitent les marchandises à destination de ce pays. En contrepartie, l’Irak continue de ravitailler le royaume hachémite en pétrole par le moyen de camions-citernes. Mis à part quelques maigres exportations de pétrole vers la Turquie et l’Iran, l’embargo sur les exportations de pétrole irakien est total. Il semblerait que l’Irak dispose en tout et pour tout de près d’un milliard de dollars pour l’ensemble de ses importations (contre 8 milliards en 1990), dont la moitié concerne des produits alimentaires. Les membres permanents du Conseil de sécurité, à l’exception des États-Unis, sont favorables à la levée de l’embargo, ou du moins à son atténuation. Cependant, Washington continue de s’opposer à sa levée tant que l’Irak n’aura pas mis à exécution toutes les résolutions de l’O.N.U.

Le soulèvement des minorités kurdes et chiites

La lutte pour le Kurdistan du Nord

En révolte contre le pouvoir central depuis la fondation de l’Irak moderne, les Kurdes du Kurdistan irakien ont toujours appelé de leurs vœux la création d’un État indépendant dans le nord du pays. L’Irak abrite trois grands groupes de population: les Kurdes vivant au Kurdistan, les sunnites qui occupent le centre du pays autour de Bagdad, et les chiites installés dans le Sud. Depuis l’époque ottomane, le pouvoir est concentré entre les mains de la minorité sunnite arabophone, qui représente moins de 20 p. 100 de la population. Profitant de la déroute du gouvernement de Bagdad, les populations kurdes du Nord se sont soulevées contre le gouvernement central. Ce dernier a riposté par une répression féroce, provoquant des exodes massifs vers l’Iran et la Turquie.

Les États-Unis et certains pays européens ont réagi en établissant en avril 1991, au nord du 36e parallèle, une zone de sécurité, que l’armée irakienne a été forcée d’évacuer. Profitant de l’occasion, les Kurdes ont organisé des élections démocratiques le 19 mai 1992 afin de constituer un Parlement local. Le régime de Bagdad a riposté en instaurant un blocus économique à l’égard des Kurdes. Par ailleurs, les diverses factions kurdes se sont lancées dans des luttes fratricides pour le contrôle du Kurdistan irakien, dont la survie dépend de la protection militaire occidentale. De son côté, la Turquie, désireuse de combattre ses propres sécessionnistes kurdes, s’est livrée à plusieurs incursions dans le nord de l’Irak afin de détruire les bases du Parti des travailleurs du Kurdistan (P.K.K.) dans cette région.

Le soulèvement des chiites du Sud

Les chiites forment plus de 60 p. 100 de la population irakienne. Peu associés au pouvoir, ils sont considérés avec suspicion par Bagdad, surtout après la victoire de la révolution iranienne. Profitant de l’affaiblissement du gouvernement central, les chiites du Sud se sont révoltés contre celui-ci (mars 1991), qui a réagi en organisant une répression massive. Les États-Unis et leurs alliés (France, Grande-Bretagne) sont intervenus une nouvelle fois en instaurant, en août 1992, une zone d’exclusion aérienne au sud du 32e parallèle afin de protéger les populations civiles. La rébellion chiite est concentrée dans des régions marécageuses inaccessibles à l’armée de Bagdad, mais celle-ci y a entamé des opérations de drainage.

Un régime aux abois

L’Irak est confronté à de nombreuses difficultés intérieures et extérieures. Ainsi, tout l’armement irakien se trouve placé sous supervision internationale. De plus, une partie du nord et du sud du pays échappe à l’autorité du gouvernement central. Face à ces nombreuses contestations, la question qui se pose est de savoir quelles sont les chances de survie du régime de Saddam Hussein. Celui-ci s’appuie sur un certain nombre d’alliances familiales et tribales – notamment la famille de Takrit – qui se caractérisent par une allégeance aveugle au régime, allégeance qui a résisté à toutes les tentatives de pénétration des forces hostiles au pouvoir. En outre, le président irakien mise sur l’appui des forces armées, divisées par précaution en quatre grands corps: la garde républicaine, fer de lance du régime, les fedayin de Saddam, les troupes spéciales et, enfin, l’armée. Par ailleurs, la rigueur de l’embargo et sa prolongation ont pour conséquence l’exacerbation du sentiment national irakien. Saddam Hussein apparaît aux yeux de l’élite et des officiers de l’armée comme un moindre mal, car il fait figure d’ultime recours pour un État menacé de désintégration totale, dont les signes avant-coureurs sont la défection du Nord et d’une partie du Sud. L’opposition est totalement désunie.

Sur le plan international, il faut noter le départ du président américain George Bush, adversaire tenace de Saddam Hussein. Un certain nombre de pays, dont la France et la Russie, commencent à réclamer la levée de l’embargo face à une opposition américaine qui semble de plus en plus isolée. Qui plus est, les grandes puissances verraient d’un mauvais œil le dépeçage d’un Irak qui ferait de l’Iran l’unique puissance régionale du Golfe. Par ailleurs, l’Arabie Saoudite et le Koweït jugent inacceptable la formation à leurs frontières d’un État chiite qui risquerait de réveiller des velléités parmi leurs propres communautés chiites. De même, l’Iran et la Turquie, où il existe de fortes minorités kurdes, accepteraient mal la création d’un Kurdistan indépendant dans le nord de l’Irak.

Cependant, si toutes ces raisons jouent en faveur de Saddam Hussein, il n’en reste pas moins que le régime irakien demeure aux abois. La prolongation de l’embargo constitue la menace la plus sérieuse pour le régime, car elle le prive de son soutien populaire, et surtout de sa principale source de revenus, le pétrole. Dépourvu de moyens financiers, le régime ne pourra plus acheter l’appui de ses partisans, dont le soutien conditionne sa survie. Un premier coup de semonce a été tiré après la tentative de révolte d’une partie des tribus sunnites de l’Ouest irakien, alliés traditionnels du régime, en juin 1995. L’alerte a été de nouveau donnée après la défection des deux gendres de Saddam Hussein, les généraux Hussein Kamel Hassan et Saddam Kamel Hassan, qui se sont enfuis en août 1995 vers la Jordanie et ont lancé un appel à la création d’une coalition contre le régime. Ayant regagné Bagdad le 20 février 1996, ils seront assassinés trois jours plus tard.

Maître en matière de manipulation populaire et de manœuvre politique (le 15 octobre 1995, par 99,96 p. 100 des suffrages, il se fait confier un nouveau mandat de sept ans, s’octroyant ainsi une légitimité constitutionnelle), Saddam Hussein cherche à gagner du temps. Il essaie tant bien que mal de pallier l’embargo par le rationnement, l’utilisation de stocks disponibles, l’augmentation de la production locale, la contrebande; il mise également sur l’effritement de la solidarité des membres du Conseil de sécurité.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Поможем сделать НИР

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Guerre du Golfe de 1990-1991 — Guerre du Golfe (1990 1991) Pour les articles homonymes, voir Guerre du Golfe. La deuxième guerre du Golfe (la 1re guerre du golfe désignant généralement la guerre Iran Irak), également appelée guerre du Koweït, est un conflit qui opposa l Irak à …   Wikipédia en Français

  • Guerre du golfe (1990-1991) — Pour les articles homonymes, voir Guerre du Golfe. La deuxième guerre du Golfe (la 1re guerre du golfe désignant généralement la guerre Iran Irak), également appelée guerre du Koweït, est un conflit qui opposa l Irak à une coalition de 34 États,… …   Wikipédia en Français

  • SAS dans la guerre du Golfe — Le Special Air Service dans la guerre du Golfe Les Special Air Service sont intervenus avec d autres forces spéciales, dans la Guerre du Golfe (1990 1991). Sommaire 1 Préambule 2 Opération Tempête du Désert 3 Rôle du SAS …   Wikipédia en Français

  • Troisième Guerre du Golfe — Guerre d Irak Guerre d Irak Dans le sens des aiguilles d une montre en commençant en haut à gauche : Une patrouille à Samarra; Le renversement de la statue de Saddam Hussein au square Firdos; Un soldat irakien pendant un assaut; un engin… …   Wikipédia en Français

  • Guerre du Golfe (1990-1991) — Pour les articles homonymes, voir Guerre du Golfe. La guerre du Golfe de 1990 1991 dite aussi deuxième guerre du Golfe[1] ou guerre du Koweït, est un conflit qui opposa l Irak de Saddam Hussein à une coalition de 34 États, soutenue par l… …   Wikipédia en Français

  • Le SAS dans la guerre du Golfe — Le Special Air Service dans la guerre du Golfe Les Special Air Service sont intervenus avec d autres forces spéciales, dans la Guerre du Golfe (1990 1991). Sommaire 1 Préambule 2 Opération Tempête du Désert 3 Rôle du SAS …   Wikipédia en Français

  • Le Special Air Service dans la guerre du Golfe — Les Special Air Service sont intervenus avec d autres forces spéciales, dans la Guerre du Golfe (1990 1991). Sommaire 1 Préambule 2 Opération Tempête du Désert 3 Rôle du SAS …   Wikipédia en Français

  • Les SAS dans la guerre du Golfe — Le Special Air Service dans la guerre du Golfe Les Special Air Service sont intervenus avec d autres forces spéciales, dans la Guerre du Golfe (1990 1991). Sommaire 1 Préambule 2 Opération Tempête du Désert 3 Rôle du SAS …   Wikipédia en Français

  • Special Air Service dans la guerre du Golfe — Le Special Air Service dans la guerre du Golfe Les Special Air Service sont intervenus avec d autres forces spéciales, dans la Guerre du Golfe (1990 1991). Sommaire 1 Préambule 2 Opération Tempête du Désert 3 Rôle du SAS …   Wikipédia en Français

  • Activité du Special Air Service durant la guerre du Golfe — Le Special Air Service sont intervenus avec d autres forces spéciales, dans la Guerre du Golfe. Sommaire 1 Préambule 2 Opération Tempête du Désert 3 Rôle du SAS …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”